dimanche 21 décembre 2008

Sur les inégalités face à l'école

"De deux choses l'une : ou bien le discours scolaire, le « bon français» imposé par l'école primaire se trouve dans le prolongement plus ou moins direct des discours tenus et entendus dans le milieu familial d'origine et dans ce cas l'adaptation se fait aisément : c'est le cas des enfants de la bourgeoisie habitués dès la prime enfance à parler, à entendre parler et à lire le «bon français » : dans la classe bourgeoise, on «parle bien », on entretient avec le langage un rapport particulier : le langage y est le moyen par excellence de la communication; sa maîtrise symbolique est encouragée (cf. le grand cas fait aux «mots d'enfants») : l'enfant trempe dès sa naissance dans un bain de « beau langage », de sorte que l'adaptation à la manipulation de la langue scolaire, même si elle diffère notablement de la langue parlée dans la famille, est relativement facile l'enfant n'est pas dépaysé. Il apprend à lire et à écrire, s'il ne le sait déjà. Ou bien le «bon français» imposé par l'école primaire entre en contradiction avec les discours produits dans la classe d'origine : c'est le cas des enfants des classes populaires. Cette contradiction peut prendre concrètement deux formes; ou bien l'enfant ne sait pas parler parce que chez lui, on parle peu ou pas ; ou bien (et c'est le cas le plus fréquent), il sait parler, mais il parle autrement et surtout, d'autre chose."
Christian Baudelot et Roger Establet - L'école capitaliste en France (1971)

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